Les racines de la perversion affective, de la blessure à l’emprise.
Comment la violence s’installe-t-elle dans une vie ?
Comment des blessures anciennes façonnent des comportements toxiques, parfois invisibles ?
Dans cet article, je vous invite à explorer, à travers une réflexion psychologique et littéraire – puisque je m’appuie sur le second roman que j’ai écrit, intitulé « Elle finira bien par dire oui » – les mécanismes de mise en place de l’emprise et de la manipulation, de la perversion affective et la manière dont la résilience peut offrir un chemin vers la lumière.
Vous avez été nombreux, après la parution de mon premier roman J’avais pourtant dit non, à me confier combien cette histoire vous avait touchés, parfois bouleversés. Ce livre, centré sur la question du consentement et de l’emprise, a ouvert un dialogue que je n’avais pas anticipé : celui du besoin de comprendre. Comprendre comment de telles relations naissent, pourquoi elles se répètent, et surtout, comment s’en libérer.
À la suite de ces échanges, beaucoup d’entre vous m’ont posé la même question : « Que se passe-t-il dans la tête de celui qui fait souffrir ? ». C’est ainsi qu’est né ce second roman.
Le premier explore les conséquences de la violence, tandis que le second s’attache à en comprendre les origines. Dans J’avais pourtant dit non, c’est la victime qui dit « je » ; dans Elle finira bien par dire oui, la voix est celle du bourreau… qui fut lui aussi une victime.
Je ne voulais pas raconter la genèse d’un monstre, mais tenter d’explorer comment on le devient. Parce qu’il est essentiel, pour guérir, de ne pas seulement s’attarder sur la douleur des victimes, mais aussi de comprendre les failles, les blessures et les dérives de ceux qui infligent cette douleur.
La violence ne surgit jamais de nulle part. Elle s’enracine dans des manques, des humiliations, des héritages familiaux et émotionnels. Elle est nourrie par la peur, la honte et le manque d’amour.
Ce roman est né d’une interrogation centrale : comment grandir dans une famille toxique, avec des repères déformés, peut-il façonner à son insu une personne aux comportements destructeurs ? Comment l’enfant négligé, la victime, peut-il devenir un jour celui qui inflige la douleur ? Et surtout : comment aimer lorsqu’on n’a jamais réellement connu l’amour ? Je ne suis pas psychologue, ni psychothérapeute, ni coach. Je ne suis qu’une auteure. Mais écrire, c’est observer, écouter, tenter de comprendre ce qui, souvent, nous dépasse. Et il me semblait intéressant d’explorer, à travers mon personnage principal et à travers sa voix, la construction progressive de la perversion affective.
Comprendre la violence, c’est accepter d’en sonder la complexité. Dans notre société, nous avons tendance à séparer le monde entre victimes et bourreaux, entre “gentils” et “méchants”. Mais la réalité humaine est bien plus nuancée. Derrière chaque geste de domination, il y a souvent une blessure ancienne, une peur, un vide. Et c’est en explorant cette zone grise, cette frontière fragile entre la souffrance subie et la souffrance infligée, que j’ai voulu ancrer ma réflexion.
L’origine invisible du mal : l’amour sous condition
On croit souvent que les personnes manipulatrices ou perverses naissent ainsi, comme si le mal faisait partie de leur nature. Mais il y a rarement des monstres à la naissance. En revanche, il y a des enfants blessés, privés de reconnaissance, qui apprennent à se protéger à tout prix.
Lorsque l’enfant comprend que pour être aimé, il doit plaire, se taire ou se conformer, il renonce peu à peu à son ressenti. Il devient un acteur dans une pièce où les émotions sont interdites. Plus tard, adulte, il cherche à retrouver ce sentiment de contrôle : dominer plutôt que subir, manipuler plutôt qu’être rejeté. Ce basculement ne se fait pas d’un coup. Il naît d’un déséquilibre répété, d’une confusion entre amour et pouvoir. Ce qui, au départ, est un mécanisme de défense devient une manière d’exister. C’est ce que j’ai voulu explorer dans mon roman : non pas pour excuser, mais pour comprendre ce glissement vers la perversion affective.
Ce glissement, aussi insidieux que progressif, ne se produit jamais dans le vide. La perversion affective ne peut exister sans un terrain relationnel qui la rend possible. Derrière chaque histoire d’emprise, il y a une rencontre : celle de deux blessures, de deux manques qui se reconnaissent et s’agrippent. C’est là que l’illusion de l’amour commence, dans ce lien paradoxal où chacun, à sa manière, tente de combler ce qui lui a manqué.
L’emprise : une relation entre deux failles
On parle souvent du pervers narcissique comme d’un prédateur. Mais une relation d’emprise est toujours une rencontre entre deux blessures. L’une se nourrit du besoin d’être admirée, l’autre du besoin d’être aimée. Cette phrase éclaire la logique cachée derrière la manipulation : celui qui domine le fait pour survivre à son propre vide intérieur. Mais ce faisant, il entraîne l’autre dans sa chute. Dans ce type de relation, la dépendance affective joue un rôle central. La victime, souvent, ne cherche pas le pouvoir mais la reconnaissance. Elle croit qu’en aimant assez, elle finira par être aimée en retour. Elle interprète la violence comme un manque à combler, non comme une alerte à fuir. C’est un engrenage silencieux : plus elle donne, plus l’autre prend.
Et plus elle s’épuise, plus elle s’attache. L’amour devient alors un champ de bataille où chacun tente, à sa manière, de ne pas disparaître.
J’aime la manière dont Cristina Marques résume le paradoxe de ces relations dans son article* publié sur le blog En quête du bonheur Éditions :
“Le plus grand besoin d’une dépendante affective est de se détacher des personnes toxiques, d’apprendre à se passer de l’autre et à se sentir sécurisée par elle-même. Un pervers narcissique est une personne toxique.
Le plus grand besoin du pervers narcissique est d’apprendre à se reconnecter à sa valeur d’âme au lieu d’avoir une nécessité jouissive et malsaine de rabaisser et d’utiliser les autres pour se donner l’illusion qu’il a de la valeur.”
Tout est là. Deux blessures qui s’attirent, deux quêtes contraires. L’une veut fusionner, l’autre veut contrôler, et chacune renforce l’autre dans son déséquilibre. Tant que cette dynamique reste inconsciente, elle se répète – dans les amours, les amitiés, parfois même au travail -, mais dès qu’on la nomme, elle commence à se dissoudre.
Le mot, ici, est un outil de libération.
* Lire cet article sur ce même blog :
Pourquoi les femmes dépendantes affectives attirent des partenaires pervers narcissiques
Le silence, terreau du contrôle
Dans les familles toxiques, on apprend très tôt à se taire. On protège le secret, on évite le scandale, on fait comme si tout allait bien. Sous cette chape de silence, la honte s’enracine. Dans ce décor familial, l’amour se joue mais ne se vit pas. Chacun tient son rôle pour masquer la peur et la solitude.
Mais ce théâtre des apparences a un coût : il empêche de développer un lien authentique à soi-même. L’enfant apprend que ses émotions dérangent, qu’il vaut mieux contrôler que ressentir. Alors, adulte, il reproduit. Il devient celui qui dicte, qui impose, qui manipule, parce que laisser place à l’autre reviendrait à revivre la douleur d’être impuissant. Ainsi se construit le besoin de toute-puissance. Non par cruauté, mais par panique.
La domination devient le seul moyen de ne pas retomber dans la peur du rejet.
Le corps, miroir du pouvoir
Dans la perversion affective, le rapport au corps est central. Posséder, contrôler, exposer, dissimuler – le corps devient un instrument de pouvoir. C’est là que le consentement se fissure : dans ce moment où l’un pense jouer, alors que l’autre ne joue plus. Le sexe, dans ces dynamiques, n’est pas un langage de plaisir mais de contrôle. Il traduit une tentative désespérée de maîtriser le lien, de réduire l’autre à un objet qui rassure. Sous le fantasme, il y a la peur et sous la domination, le chaos intérieur. Et c’est ce chaos que j’ai voulu écrire : celui d’un être persuadé que posséder, c’est aimer. Même si aimer, ce n’est jamais dominer.
Comprendre sans excuser
Comprendre la mécanique de la perversion affective ne signifie pas la justifier. C’est au contraire la condition pour ne plus la subir. Il est plus simple, parfois, de voir dans le “bourreau” une figure monstrueuse, qui nous est étrangère. Mais la réalité est plus dérangeante : la violence psychique naît souvent d’un terrain que nous partageons tous, le besoin d’amour et la peur du rejet. Ce qui différencie le pervers affectif, ce n’est pas la blessure, mais le refus d’y faire face. Et c’est bien ce que l’on observe dans les schémas d’emprise : la répétition du non-dit. Le silence devient action, la blessure devient arme. Mais la lucidité peut rompre la chaîne.
Elle finira bien par dire oui n’est pas un plaidoyer, ni un jugement.
C’est une plongée dans la genèse du mal, là où la blessure se transforme en domination.
Je voulais raconter comment un enfant privé d’amour devient un adulte qui cherche à tout contrôler, comment la honte se déguise en désir, comment la peur de ne pas être aimé peut mener à la violence.
Décrire cela, ce n’est pas excuser, c’est refuser le simplisme, c’est dire que la monstruosité n’est jamais pure, qu’elle porte toujours la trace d’une humanité déformée. Et surtout, c’est dire que comprendre, ce n’est pas pardonner. C’est ouvrir un espace pour que l’histoire cesse de se répéter.
Transformer la blessure en conscience
Boris Cyrulnik, dans Les vilains petits canards, écrit : “La résilience, c’est l’art de naviguer dans les torrents.” Cette image me touche profondément. Elle dit que la reconstruction ne consiste pas à nier la douleur, mais à l’apprivoiser, à la traverser sans s’y noyer. Car comprendre les mécanismes de la perversion, c’est aussi ouvrir une voie vers la guérison, pour soi, ou pour ceux qui nous entourent. Ce n’est pas un savoir intellectuel, mais un apprentissage intime : celui de poser des limites, de reconnaître les signaux, d’oser dire non. Et surtout, celui de se réconcilier avec sa propre valeur.
La lumière après la faille
Derrière chaque comportement toxique, il y a une histoire, derrière chaque tentative de contrôle, une peur et derrière chaque peur, souvent, un enfant qui n’a pas été entendu. Comprendre cela, ce n’est pas excuser, c’est redonner du sens. C’est se donner les moyens d’interrompre la chaîne. Car la souffrance, quand elle n’est pas reconnue, cherche toujours un autre corps où s’exprimer.
Mais lorsqu’on ose la regarder, lorsqu’on lui donne un nom, elle peut enfin se transformer : en connaissance, en création, en vie.
Comprendre la perversion affective, c’est déjà commencer à guérir
C’est de cette conviction qu’est né Elle finira bien par dire oui, un roman sur la part d’ombre en chacun de nous et sur ces blessures d’enfance jamais soignées, dont les répercussions se font parfois sentir bien plus tard, à l’âge adulte.
Puisse ce nouveau roman éclairer des parts d’ombres afin de mieux comprendre les mécanismes qui mènent à la perversion affective.
📖 À découvrir en cliquant sur la couverture du livre

Résumé
Peut-on guérir de ce qu’on a subi, sans blesser à son tour ?
Fabien grandit derrière les apparences d’une famille parfaite — un décor lisse, tenu par la peur, le silence et le non-dit.
Derrière cette façade, un secret abominable se noue pourtant, fracturant son enfance et le condamnant à la dissimulation et à la soumission.
De ce chaos intérieur naît son besoin de dominer, pour ne plus être impuissant, et de posséder, pour ne plus disparaître. Peu à peu, la frontière entre victime et prédateur, entre blessure et pouvoir, se brouille.
Et vous, que reste-t-il de l’enfant que personne n’a entendu ?
Un roman qui explore les cicatrices invisibles laissées par une enfance sous emprise familiale.
Une immersion au cœur des secrets lourds, des manipulations et des dynamiques destructrices qui façonnent l’identité et marquent durablement les liens aux autres.
Un récit intense sur la violence psychologique, la famille toxique et l’impact profond des traumatismes précoces.
Un petit mot de présentation de l’auteure
Auteure passionnée par la psychologie, Magali Lamy écrit des histoires nourries par la résilience et les zones d’ombre des relations humaines. En filigrane, ses romans explorent aussi les blessures du passé qui entravent l’épanouissement au présent, révélant un chemin intérieur où se mêlent quête de sens, intime et transformations profondes.
Ses deux premiers romans


EN QUÊTE DU BONHEUR vous propose également de (re)lire son article phare,
lu plus d’un million de fois
SENTIMENT D’ABANDON ET DÉPENDANCE AFFECTIVE, QUEL LIEN ?
Ce site n’appartient pas à Facebook et n’est pas affilié à Facebook Inc.
Le contenu de ce site web et de ces pages n’a pas été vérifié par Facebook – Facebook est une marque déposée de Facebook Inc.
- Les racines de la perversion affective - 9 décembre 2025
En quête du bonheur Le blog qui vous veut du bien
